Dans le faubourg de ma vie
Loin de la grande cité
Vit mon âme délaissée.
Dans le faubourg de ma vie,
Mes voisins sont noctambules
Serinant la même rengaine enrayée :
On ne dort jamais car c’est des tétons de la nuit,
Que nous buvons le lait de la mélancolie
Dans le faubourg de ma vie,
Les enfants vieillissent vite
Les vieux ne meurent jamais
Les femmes n’allaitent guère
Tout le monde se guerroie
Pour qu’en fin on enterre les morts
Dans un cimetière en commun
Dans le faubourg de ma vie
Le ciel est éternellement plantureux
Sans qu’une goutte de pluie n’ose s’échapper
Dans le faubourg de ma vie,
La nuit s’éternise
Le jour s’amenuise
Le rêve est cauchemar
Dans le faubourg de ma vie,
Je lutte main nu
Contre un ennemi au mille facies
Dans le faubourg de ma vie,
La vie n’est nullement vie,
Mais un semblant de vie.
Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :
Dans cet autoportrait psychologique marqué par une mélancolie extrêmement profonde et à travers lequel se profile une vision cauchemardesque du Moi ( ma / mon/je : 9 fois ), de l’Autre (mes voisins – les enfants – les vieux – les femmes – tout le monde – un ennemi ) et du monde (le ciel – la nuit – le jour – la grande cité ) deux points attirent , tout particulièrement , l’attention : l’un sur le plan sémantique, à savoir une rupture totale avec l’univers , laquelle est le signe révélateur et sûr d’une âme tragique selon le sens que donne le philosophe hongrois Georg Lukács (1885 –1971)au terme « tragédie » et l’autre du point de vue technique : la tendance très prononcée chez le poète à aller au fond des choses par l’usage massif des deux procédés contraires mais complémentaires : l’amplification et l’amenuisement, dans l’assombrissement des horizons intérieurs ( mon âme délaissée ) et extérieurs ( le ciel est éternellement plantureux – la nuit s’éternise – le jour s’amenuise – nous buvons le lait de la mélancolie – on enterre les morts dans un cimetière en commun …etc.) qui se rejoignent voire se confondent, en réalité, du fait que l’extérieur que l’auteur décrit n’est qu’une projection de son état d’âme meurtri , conformément à la nature de la métaphore charnière spéciale du faubourg de la vie qu’il a utilisée .Ceci est , grosso modo , le fond de ce qui a été dit dans ce poème .Mais est-il conforme à ce qui n’a pas été dit s’il y en a ? En d’autres termes, ce paysage intérieur totalement obscur serait-il la conséquence d’une tristesse constante du genre natif et inné ou bien un simple état d’âme passager ? La lecture des prochains textes de ce poète nous le montrera.
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