Un froid dépravé ronge mes cieux
Des sons débauchés érodent mon lieu
Des mouches ivres endommagent mon verre
Un vent malsain pervertit mon air
Des feuilles mortes fêtent ma solitude
La fumée de mes cigarettes m’encombre
De rêves avortés
Un froid immense vient loger
Discrètement
Ma chambre obscure
Un silence bavard me tient compagnie
Ce soir Excuse-moi Tulipe
Mes sentiments sentent le noir
Dans leurs ventres Ils sont cons
Je le sais Mais ils sont vrais
Comme mes montagnes d’en face
Ma main a le vide dans son âme
Mes pieds tremblent de ton absence
Où se sont enfuis les papillons
Qui ornaient mon cœur ?
Où se sont cachés les oiseaux
De mon arbre voisin ?
Où sont les chants logeant mes espaces alléchants ?
Où sont partis les sourires
De mon aube hallucinante ?
Tous les parfums se sont tus !
Toutes les musiques s’effondrent en douceur !
Toutes les joies se démantèlent !
Toutes les tulipes s’altèrent !
Et tous mes mots se ruinent !
A quoi bon d’attendre ce blanc du blanc !
A quoi bon d’aimer le silence de ton silence !
Le vide de ton vide !
Des nuits sans ta charmante voix !
Commentaire de Mohamed Salah Ben Amor :
Deux procédés principaux ont été mis en oeuvre dans ce poème : d’un côté , il se prête aisément à la lecture recommandée par Nicolas Riffaterre qui vise à dégager l’invariant du texte à partir duquel il a été généré .Cet invariant ou noyau sémantique est constitué ici de la notion d’agression qui y a pris deux formes : une agression externe faisant opposer un agresseur étranger et un agressé intime, lequel est une partie de l’univers du poète démesurément vaste ( cieux ) ou infiniment petite ( verre ) et une auto-agression dont le sujet/objet est aussi un élément de cet univers .Construit sur cette dualité, le poème se présente, du début jusqu’à sa fin, sous forme d’une suite continue d’images puisées dans différents champs lexicaux mais reproduisant toutes la même dichotomie .Il en est résulté, dans la première partie du poème, trois longs lexiques sémantiquement liés : agression/ agresseur /agressé. Parmi les formes d’acte d’agression externe dont a été victime l’univers du poète nous citons (ronger –éroder- endommager-pervertir- encombrer…) et entre les aspects sous lesquels s’est manifesté l’agresseur nous relevons les éléments suivants : ( froid – sons débauchés- mouches ivres- vent malsain- feuilles mortes- fumée de mes cigarettes – silence bavard …).Et les éléments agressés sont : ( mes cieux – mon lieu – mon verre – mon air ) .Quant à l’auto-agression , elle a été pratiquée par des éléments du même univers comme suit : (les parfums se sont tus – les musiques s’effondrent – les joies se démantèlent – les tulipes s’altèrent -mes mots se ruinent) .Néanmoins , toutes ces formes d’agression ne sont qu’un alibi pour l’utilisation d’un deuxième procédé qui est l’amplification de l’état d’âme meurtri du poète à la suite d’une rupture amoureuse dont il a été victime et cette rupture se présente comme la cause directe de cet état .Ce qui fait que son report à la deuxième partie du texte après l’exposition détaillée de ses effets a pour but de créer un suspense très prenant .Un poème admirablement tissé par des fils sémantiques extrêmement fins ,ce qui n’est pas étrange de la part de ce poète qui se respecte en respectant toujours ses lecteurs
Ajoute par
admin
ECRIVEZ UN COMMENTAIRE
ECRIVEZ UN COMMENTAIRE
Pas de commentaires encore