Sahbiya El Haj Salem est une poète tunisienne résidant à Paris et peu connue en Tunisie .De formation juridique, elle  a étudié à Malte puis  en France. Et comme le montre ce poème, elle jouit d’une grande sensibilité.

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Sahbiya  El Haj Salem

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Je n’ai pas dit « Je t’aime » depuis des années.

Je ne peux le faire…j’en ai très peur !

J’essaie de me passer de cette contrainte

Et je me chuchote « Nous sommes de faux-êtres » :

L’avidité du désespoir ne nous quitte pas,

Une fleur sèche dans un livre abandonné…

Des draps blancs  bousculés tapageusement par les termites,

Lui faisant enfanter une noirceur

Dont nous avons besoin pour

Notre deuil vis-à-vis du temps

Qui nous a donné un coup de pied avec soin

Puis il est parti sans retour…

Une carte de vœux s’endort dans un tiroir brisé

Sur le dos de laquelle est écrit :

« Soyez heureux ! »

Nous !

Toute cette passion tortueuse qui combat puis disparaît…

Je libère les idées et les laisse m’écouter,

Je souris aux visages des passants,

Je pousse  comme un figuier sur les bords de leur rapidité

En balbutiant ces mots :

« Votre précipitation m’effraie tandis que le rêve fermente lentement.

Je laisse ma place dans le train à un vieillard

Que je pleurerai peut-être en cachette

Parce qu’il est seul

Et parce qu’il pourrait avoir faim d’un parfum qui s’est évaporé dans l’absence…

Je prends soin de l’herbe et de la terre,

De tous ces êtres affectueux

Et je les embrasse aux yeux chaque matin,

Car la perspicacité mène la belle vie dans la verdure des baisers…

Je crée beaucoup de détails pour que je ne voie pas les portes en ruine du monde.

Mais je ne peux tourner les clefs du courage pour dire « Je t’aime ».

Je n’ai pas chuté dans le cycle de ce mot depuis des ans.

Je m’épuiserai et perdrai connaissance

Si je fais semblant d’ignorer cela,

Et comme si personne ne naît  et ne meurt avec moi dans ce monde,

Personne ne pleure et ne rit avec moi en même temps,

Personne  ne courtise le chuchotement de la voie du cœur.

Ah !

Je suis attentive à toute cette peur comme cette montre oscillante.

Ma voix tremble et j’évite la fin miniaturisée.

Tout ce que je ressens est consacré totalement à la précision et à la cendre.

Tous ceux qui m’entourent

Sont debout devant le kiosque des cigarettes,

Ils m’écoutent et brûlent.

Tout comme moi, ils se promènent dans cette guerre quotidienne :

« Je ne peux dire « Je t’aime ».

 

 

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